L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE MORAL : BARÈME ET CALCUL

Lors d'un accident corporel consécutif à un accident de la circulation, un accident de la vie, à une agression oui encore à une erreur médicale, la victime subie bien souvent un préjudice moral dont elle entend obtenir réparation. Mais alors comment est calculé et indemnisé le préjudice moral ?

 

Le préjudice moral est un préjudice corporel au même titre que les atteintes physiques et fonctionnelles. Il constitue une atteinte à la personne qui ouvre droit à une indemnisation qui lui est propre. Les dommages et intérêts du préjudice moral regroupe en réalité plusieurs postes de préjudices autonomes et distincts.

Le préjudice moral c'est quoi ?

Le préjudice moral intègre plusieurs composantes indemnisable de manière autonome :

 

LES SOUFFRANCES ENDURÉES OU PRETIUM DOLORIS

 

Le préjudice moral regroupe notamment  la souffrance endurée qui était appelée autrefois le pretium doloris qui correspond à " toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés que doit endurer la victime, du fait générateur (accident, agression) jusqu'à la consolidation ". " Elles comprennent tant l'expérience sensorielle désagréable qu'épouvantable mais également les syndromes post-traumatiques, les peurs, névroses anxio-dépressives et dépression post-traumatiques ". La souffrance endurée est dans ce cas constitutive d'un préjudice moral indemnisable par des dommages et intérêts. La Souffrance endurée vise à indemniser des douleurs dites "temporaires" qui vont de la date de l'accident ou de l'agression jusqu'à la consolidation (Date de stabilisation des séquelles) .

 

LE DÉFICIT FONCTIONNEL PERMANENT

 

La victime peut au delà de la date de consolidation conserver une atteinte fonctionnelle. Autrefois appelé Atteinte à l'Intégrité Physique et Psychique (AIPP), la Nomenclature Dintilhac la désigne désormais sous le terme de Déficit Fonctionnel Permanent (DFP). Ce poste de préjudice intègre une composante du préjudice moral puisque il vise à indemniser au delà des seule atteintes fonctionnelles, les douleurs ressenties après la consolidation et qui devront perdurer toute la vie durante. Il convient toutefois d'être prudent compte tenu que la pratique des médecins experts appuyés par les barèmes médico-légaux a tendance à simplifier le taux retenu aux seules atteintes fonctionnelles du corps sans nécessairement intégrer le quantum doloris.

 

LE PRÉJUDICE D'AFFECTION

 

Dans le cadre de la perte d'un proche pour lequel la responsabilité d'un tiers est en cause, le préjudice moral subi par la famille est indemnisé au titre du préjudice d'affection. Ce poste intègre le retentissement pathologique avéré que le décès a pu entraîner auprès des proches de la victime décédé. La famille de la victime directe sont indemnisés du préjudice d'affection par le seul lien de parenté qui existait. Les personnes dépourvues de lien de parenté devront établir un lien affectif réel avec le défunt.

 

LE PRÉJUDICE D'ACCOMPAGNEMENT

 

Le préjudice moral peut intègrer également le préjudice des proches de la victime subissant un lourd handicap définitif. Dans certaines situations de lourd handicap, les proches de la victime subissent un préjudice moral lié aux bouleversements que le le handicap produit au sein de la cellule familiale sur le mode de vie et le quotidien. Le préjudice moral est constitué par le troubles que le handicap induit dans les conditions d'existence de la famille. Le préjudice d'accompagnement ne dépend pas nécessairement du degré de parenté avec la victime mais de la preuve de la réelle proximité affective avec celle-ci.

Comment est évalué le préjudice moral ?

L'ÉVALUATION DES SOUFFRANCES ENDURÉES

 

Lors des opérations d'expertises le médecin expert doit retracer autant que possible le parcours et le vécu traumatique de la victime. Concrètement le médecin expert doit confronter les doléances de la victimes, les pièces médicales et le parcours de soin pour le confronter par exemple à la Grille indicative d'évaluation du Barème d'évaluation médico-légale publié par la revus Française du Dommage Corporel et la Société Française de Médecine Légale de 2009 dit barème "ESKA". Les souffrances endurées sont distinguées selon leurs importances selon un degré allant de 1 à 7. Cette grille présente l'avantage de donner une cotation des souffrances endurées sur la base d'éléments concrets (foulure, fracture, opération, immobilisation, traitement..) dont chacun fait fluctuer en intensité le degré des souffrances associées :

La Société Française de Médecine Légale et la Fédération des Associations de Médecin Conseil Expert en Dommage Corporel donne la définition suivante : " Les souffrances endurées sont représentées par la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d’hospitalisations, à l’intensité et au caractère astreignant des soins, auxquels s’ajoutent les souffrances physiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l’accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution ".

 

L'expert devra rechercher les éléments objectifs comme :

 

- La nature du fait accidentel ou offensif,

- La durée, la contrainte, la sévérité et la brutalité du fait, le degré de mépris ou de réification sur la victime,

- Le nombre de blessure importante,

- Le contexte de l'accident, ses circonstances et les suites immédiates,

- Le nombre d'interventions chirurgicales et la durée des hospitalisations,

- Le nombre des thérapeutiques prescrites...

 

Le médecin expert doit toutefois veiller en théorie à énumérer dans son rapport d'expertise les raisons qui l'ont conduit à établir la cotation retenue (1/7, 2/7, 5/7 etc).  Le rôle du médecin conseil accompagnant la victime est alors crucial pour établir et appuyer les compostantes particulières des souffrances endurées subies par la victime.

 

 

L'ÉVALUATION DU DÉFICIT FONCTIONNEL PERMANENT

 

Les souffrances endurées subie après la consolidation sont intégrées au Déficit Fonctionnel Permanent. Ce poste intègre non seulement les incapacité fonctionnelles de la victime mais aussi les douleurs définitives que la victime va subir jusqu'à la fin de sa vie. Ce préjudice moral partie intégrante du Déficit Fonctionnel Permanent est évalué par le médecin expert en comparant les limitations fonctionnelles physiques et psychiques observées aux taux attribués par les barèmes médico-légaux (Barème du Concours Médical, Barème d'évaluation médico-légale de la SFML). Ce taux s'exprime en pourcentage (%) qui va de 0 à 99% (100 étant le décès de la victime).

 

 

L'ÉVALUATION DU PRÉJUDICE D'AFFECTION

 

Le préjudice d'affection a la particularité d'échapper à l'appréciation du médecin expert. En effet, ce poste de préjudice moral vise à réparer le retentissement émotionnel que le décès a causé aux proches de la victime décédée. Dans cette hypothèse, la seule preuve du décès et du lien de parenté suffit habituellement pour procéder en la reconnaissance d'un préjudice moral dit d'affection. La Nomenclature Dintilhac et la jurisprudence considèrent que le préjudice d'affection doit être reconnu automatiquement dès lors que les proches justifient d'un lien de parenté immédiat (frère, soeur, père, mère, enfant, grands parents..). Pour les proches ne partageant pas de lien de parenté, le préjudice morale causé par le décès peut ouvrir droit à indemnisation à conditions de prouver qu'il ont entretenu un " lien affectif réel avec le défunt ".

 

 

L'ÉVALUATION DU PRÉJUDICE D'ACCOMPAGNEMENT

 

Le préjudice d'accompagnement est limité dans la pratique au cas de handicap les plus lourds (Tétraplégie ou traumatisme crânien grave laissant une modification du schéma corporel. Ce préjudice moral est constitué par la souffrance et les peines inhérentes à l'obligation pour les membres de la famille d'accompagner l'un de leur proche. Il revient au médecin expert et au médecin conseil accompagnant la victime et la famille d'établir dans le rapport d'expertise ce poste de préjudice sur la base de la gravité des séquelles d'une part et de la communauté de vie constatée. 

Comment calculer le préjudice moral ? Quel montant pour le dédommagement moral ?

MONTANTS D'INDEMNISATION DES SOUFFRANCES ENDURÉES

 

Le préjudice moral dont les souffrances endurées font parties sont indemnisées en fonction de la cotation retenue par le médecin expert dans le rapport d'expertise et le montant de l'indemnisation pratiquée par les usages de la jurisprudence. Les montants de l'indemnisation des souffrances endurées pratiquées ne sont pas les mêmes selon que le préjudice relèvent de la compétence du tribunal administratif ou du tribunal judiciaire :

Montants pratiqués par les juridictions judiciaires :

Montants pratiqués par les juridictions administratives : 


Ces montants sont seulement indicatifs et n'ont pas de valeurs légales ou réglementaires. Le Juge n'est pas tenu par ces montants et reste donc libre de les fixer dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation.

MONTANTS D'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE D'AFFECTION

 

Là encore, il n'existe pas de barème d'indemnisation du préjudice d'affection qui s'impose de facto aux acteurs de l'indemnisation du préjudice moral. Il existe seulement une grille indicative qui ressort de l'ensemble des jurisprudences des Cours d'appel Françaises. Les montants indiqués tiennent compte du degré de parenté et du lien affectif existant entre le défunt et le proche.

 

Le référentiel MORNET édition 2023 et le barème de l'ONIAM établissent des barèmes indicatifs suivants :

Montants pratiqués devant les juridictions judiciaires :

Les autres parents ou proches de la victime doivent rapporter la preuve d’un lien affectif spécifique justifiant une indemnisation qui ne dépassera qu’exceptionnellement 3.000 €.

Montants pratiqués devant les juridictions administratives :


MONTANTS D'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE D'ACCOMPAGNEMENT

 

Les montants d'indemnisation du préjudice d'accompagnement ceux là encore issues de bla jurisprudence et sont nécessairement très personnalisés en raison des circonstances particulières du cas d'espèce. Seul les handicaps les plus lourds sont concernés par une éventuelle indemnisation du préjudice moral qui découle de l'accompagnement  des membres de la famille auprès de la victime. Les montants alloués par la jurisprudence sont souvent proches de ceux alloués en cas de décès de la victime.